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PALESTINE

La fin de la tragi-comédie d’Oslo

Lundi 1er septembre 2008, par Mustafa Barghouti

Selon un « hadith » prophétique (dicton), « le croyant ne tombe pas deux fois dans la même ornière. » Après 15 ans d’expérience de l’accord d’Oslo, il n’est pas utile d’expliquer aux Palestiniens ce qui se produira avec son équivalent d’Annapolis.

Quiconque ayant suivi les entretiens d’Annapolis ne sera pas étonné des dispositions prévues dans l’actuel projet [1] d’Olmert. Il cherche en effet à graver dans le marbre la stratégie à deux axes poursuivie par Israël depuis Oslo : diviser et gagner du temps sur les questions liées au statut final jusqu’à ce que ces dernières aient perdu toute signification avec le temps et les réalités imposées sur le terrain, et invoquer la sécurité comme prétexte pour refuser de se conformer aux engagements.

N’importe quelle évocation de la sécurité fait exclusivement référence à la sécurité d’Israël, l’idée étant de banaliser le principe tout à fait étrange selon lequel ceux qui subissent l’occupation seraient responsables d’assurer la sécurité de leurs occupants.

La proposition d’Olmert est un marché de dupes. Son projet pourrait être mis en oeuvre immédiatement sans rien coûter à Israël, pas même une pause dans l’expansion de ses colonies. L’Autorité palestinienne, en revanche, devrait assurer deux choses : jouer le rôle par procuration d’un policier efficace pour le compte des occupants, et reprendre le contrôle de Gaza. À moins d’y parvenir, l’accord restera en veilleuse et Israël aura fait d’une pierre deux coups. Les questions centrales seront à nouveau reportées sine die, donnant ainsi le temps nécessaire pour installer d’autres colonies, et Israël pourra en faire porter la responsabilité aux Palestiniens pour ne pas s’être confomés à l’accord et ne pas avoir établi la paix que les gouvernements israéliens prétendent vouloir.

Selon un « hadith » prophétique (dicton), « le croyant ne tombe pas deux fois dans la même ornière. » Après 15 ans d’expérience de l’accord d’Oslo, il n’est pas utile d’expliquer aux Palestiniens ce qui se produira avec son équivalent d’Annapolis.

L’aspect le plus dangereux du projet d’Olmert est peut-être de chercher à faire dépendre des capacités « sécuritaires » de l’AP une mise en oeuvre même partielle des droits nationaux palestiniens. Ceci est condamné d’emblé puisque l’AP serait placée en opposition avec le peuple de Palestine et sa cause nationale, et puisqu’il serait également flagrant que celui qui commande réellement est Israël. Ce projet pourtant permettrait à Israël d’atteindre son premier objectif qui est d’approfondir et de consolider les divisions internes parmi les Palestiniens.

Le projet prétend que l’AP aurait accepté de reporter la question du statut de Jérusalem. Vraiment ? Et jusqu’à quelle date ? Etant donné l’intensification de la construction de colonies et la judéisation continue de la ville, un report de la question de Jérusalem ne peut signifier qu’une chose : l’abandon de n’importe quelle revendication palestinienne sur la ville. Pourtant aucun Palestinien ou Arabe digne de ce nom ne pourrait être d’accord sur un accord qui ne reconnaîtrait pas la Jérusalem arabe comme capitale d’un état palestinien. Il faut se rappeler que chaque proposition de remise à plus tard de la question de Jérusalem est une proposition de séparation de cette question de l’ensemble des droits palestiniens et vise en fait à l’éliminer.

Le projet d’Olmert concentre toute son énergie sur la légitimation de l’annexation des colonies les plus importantes en Cisjordanie. Ces colonies ne représenteraient que 7% de la Cisjordanie, selon les affirmations d’Olmert. Ces chifffres sont très trompeurs. Ils signifient avaliser le mur de ségrégation, condamné par la Cour Internationale de Justice, comme frontière officielle avec Israël. Ils signifient également annexer 80% des ressources en eau de la Cisjordanie. Et en échange de quoi ? D’une pièce de désert aride juxtaposée aux frontières de Gaza, et encore uniquement si la situation politique change à Gaza avec une reprise de contrôle du territoire par l’AP.

Non seulement un accord sur l’échange de terres sanctionnerait l’annexation des terres situées de l’autre côté du mur et le mur lui-même, mais il sanctionnerait également le système ségrégationniste israélien dans son ensemble. Quant aux colons, ils resteront dans leurs colonies — toutes leurs colonies — jusqu’à ce que l’AP fasse preuve de sa bonne volonté en se débarassant de tout ce qu’Israël n’aime pas. Dans l’intervalle l’expansion des colonies de Maliya Adomim, d’Ariel, de Gush Atsiyun et de toutes les autres implantations autour de Jérusalem s’accéléreront, pour officiellement préparer l’espace nécessaire aux colons qui accepteront de s’y déplacer.

Comment peut-on expliquer le silence de la part des avocats du processus d’Annapolis sur le fait que le taux de constructions à but colonial a pu augmenter de 20 fois depuis Annapolis, et l’insistance pour que les négociations se poursuivent en dépit de cette expansion accélérée ?

Ce qu’Olmert avait gardé sous son chapeau jusqu’ici, c’est qu’Israël continuera à contrôler les frontières, la vallée du Jourdain et ce qui est laissé de ressources en eaux souterraines sous le prétexte d’accords de sécurité. Tout ceci, et c’est tout à fait clair, représente bien plus que de 7% des terres. Il n’est fait aucunement mention dans ces fameux 7% de la vallée du Jourdain, de la Mer Morte, des villages de Latroun (un secteur détruit par l’armée israélienne après 1967 et situé entre Jérusalem et Ramallah).

Les Israéliens se préparent, avec l’appui des Etats-Unis, a adopter n’importe quel accord qu’ils arriveraient à faire bénir par les Nations Unies, invalidant de ce fait toutes les résolutions et lois internationales précédentes qui appuyaient les droits nationaux palestiniens. Le prix demandé par Israël est, en plus d’enlever Jérusalem de l’équation des droits palestiniens, de mettre un terme une fois pour toutes aux revendications des réfugiés palestiniens. Pour l’essentiel, le plan placé sur la table des négociations par Olmert n’est rien de moins qu’un projet de liquidation des principes nationaux palestiniens et effaçant une fois pour toutes les droits légitimes du peuple palestinien.

Ce plan marque la fin de la tragi-comédie d’Oslo et le triomphe du tous ceux qui pensent que le réalisme implique de capituler. C’est une tentative pour escamoter quatre questions liées à un statut final — Jérusalem et les réfugiés, les colonies et l’annexation de grandes régions de la Cisjordanie — en les éliminant et en remettant tout à plus tard jusqu’à ce que les réalités sur le terrain rendent toutes les revendications palestiniennes impossibles.

En bref, c’est une tentative de transformer n’importe quelle idée d’un État indépendant en cantons isolés les uns des autres administrés par une autorité sans souveraineté qui serait prisonnière dans un régime d’Apartheid. Il est temps pour les Palestiniens de cesser de reculer et il est temps de mettre un terme à leur dispersion. Il est temps que les Palestiniens fassent plus qu’émettre des réserves sur telle ou telle idée d’Olmert. Ils doivent rejeter toutes les solutions partielles et provisoires et exposer au grand jour la politique israélienne qui consiste à imposer des faits sur le terrain tout en jouant la comédie de négociations qui n’ont été jamais été supposées aboutir.

La vraie réponse à Olmert et au leadership raciste en Israël est de reconstruire l’unité nationale, de mettre en place une direction nationale unifiée et de forger une stratégie collective pour conduire la lutte contre l’occupation et non s’en accommoder. Une telle stratégie doit combiner des formes de résistance de masse et non violente à l’occupation et au système d’Apartheid, avec des politiques économiques sociales et qui soutiennent notre peuple et trouvent des solutions à ses problèmes quotidiens. Cette direction unifiée doit également construire un puissant mouvement de solidarité internationale avec la cause palestinienne et faire revivre le lien national entre les Palestiniens de l’intérieur de la Palestine et ceux vivant à l’étranger.

[1] Communiqué de l’AFP, publié le 13 août 2008 :
« Le 12 août, le quotidien Haaretz avait indiqué qu’Olmert avait proposé au président palestinien un projet d’accord prévoyant un retrait de 93% de la Cisjordanie.
En échange des 7% de cette région qu’Israël entend conserver afin d’annexer les grands blocs d’implantations — où vivent la majorité des 250.000 colons israéliens —, Olmert a suggéré de transférer des terres aux Palestiniens près de la bande de Gaza.
Les Palestiniens disposeraient également d’un libre passage entre la bande de Gaza et la Cisjordanie sans contrôle de sécurité israélien. Sur le dossier des réfugiés, Olmert a rejeté le "droit au retour".
Le projet prévoit aussi une "formule complexe" pour régler ce dossier, ajoute le journal. A propos de l’avenir de Jérusalem-est, annexé par Israël et dont les Palestiniens veulent faire leur capitale, Olmert et Abbas auraient convenu de reporter les discussions, avait ajouté Haaretz.
Ces informations avaient ensuite été démenties par l’Autorité palestinienne alors que le bureau d’Olmert s’était refusé à tout commentaire. »

* Mustapha Barghouthi est secrétaire-général du Palestinian National Initiative.

30 août 2008 - Ma’an News Agancy - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/en/index.ph...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


Voir en ligne : www.info-palestine.net