Dans le premier cas, le juge de Biskra a invoqué, pour justifier la condamnation, l’article 142 bis 2 du code pénal qui prévoit des peines de 3 à 5 ans de prison pour quiconque « offensera le Prophète et dénigrera les dogmes de l’Islam par voie d’écrit, de dessin, de déclaration et de tout autre moyen ». Cependant, cette disposition récente (elle date de 2001) ne concerne à priori que les journalistes. S’alimenter pendant le ramadan n’est pas illégal, alors que la loi et la Constitution algérienne garantissent en principe la liberté de culte, de conscience et d’opinion. Le « délit » pour lequel ont été condamnés les prévenus ne correspond à aucune qualification pénale.
Dans le second cas, Samia Smeta, une jeune femme de 26 ans, a été condamnée à dix ans de détention. Selon son avocate, la sanction est tombée alors qu’elle était jugée sans défense légale, sans que les faits soient prouvés et sur la seule fois d’accusation portées par ses codétenues (Samia était en effet déjà incarcérée pour une peine de droit civil). Le quotidien El Watan du 21 octobre 2008 cite à ce sujet un spécialiste en droit criminel, qui affirme que la sévérité du tribunal est sans précédent : « Le juge a en effet prononcé la peine maximale sans accorder les circonstances atténuantes, sachant que le témoignage des détenues n’est pas considéré comme preuve de première fiabilité et sachant aussi que la prévenue n’est pas une récidiviste en la matière. Ce n’est pas la personne humaine, mais le délit qui a été pris en compte. »
Dans ces deux cas, des médias algériens se sont indigné des jugements de Biskra et les sentences ont été annulées en appel (bien que le représentant du ministère public ait requis dans son réquisitoire en appel la confirmation de la peine frappant Samia). C’est une très bonne chose. Cependant, l’accusation de (soit disant) offense à l’islam est de plus en plus fréquemment brandie en Algérie. La pression intégriste se maintient, elle qui a déjà imposée un nouveau code la famille très rétrograde et répressif.
Des initiatives de solidarité internationale ont été engagées après les condamnations de Biskra. Mais cela reste très insuffisant au regard de la situation des droits en Algérie. Les « errements » du juge de Biskra doivent être pris comme de nouveaux et sérieux avertissements.
Pierre Rousset