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MALI

La célébration du centenaire des pouvoirs de Koulouba

Dénoncer ou Réhabiliter l’idéologie coloniale ?

Mercredi 21 juin 2006, par A.T. DIARRA

Koulouba a fêté les 100 ans de Koulouba.

La cérémonie a été rehaussée par l’invitation au mali des fils et petit-fils des anciens administrateurs coloniaux de Trentenian à William Ponty ! Des éminents historiens et urbanistes ont fait l’effort de nous expliquer qui était qui ? qui a fait quoi ? Des médailles ont été décernées comme pour reconnaître des services faits et donc les bénéfices de la colonisation !

Ceux qui suivent l’actualité savent que la droite française a initié une loi sur la portée civilisatrice des œuvres coloniales. L’avant projet de cette loi inique a été énergiquement dénoncé par les anti-colonialistes de certains D.O.M. (Départements d’Outre-Mer).
La célébration du centenaire des pouvoirs de Koulouba est-il le prolongement ou un aspect de cette législation de la droite française ?

Nous pensons pour notre part que les images, les effigies et les statues érigées au Palais présidentiel, pour être visitées notamment par nos enfants sont à la fois un recul et des instruments qui noircissent leur conscience.

Au contraire de tout ce qui est imaginable, l’année 1906 est une année-clé dans la colonisation. Il faut rappeler que les conquêtes menées par Faidherbe dès sa nomination en 1854 inaugurent la colonisation moderne c’est-à-dire qui passe des Traités avec les Rois africains à la domination territoriale et l’exploitation du sol.

Il faut se rappeler que la colonisation française avait joint, à son devoir de promouvoir l’essor économique des colonies, celui d’apporter aux peuples africains « attardés » « la civilisation » dont le droit de propriété apparaissait comme l’un des plus importants fleurons.

Ecoutons l’opinion exprimée de l’un des grands idéologues de la colonisation de l’époque Pierre Dareste, peu après la promulgation des décrets domaniaux et fonciers de 1904 et 1906 « L’histoire des origines de la propriété a été étudiée par une foule d’auteurs ; elle est aujourd’hui bien connue. On peut la résumer dans les traits suivants, applicables à tous les peuples et à toutes les époques parce qu’ils résultent de la force même des choses…Au début la propriété est toute entière collective et appartient à la Tribu (…) les populations de l’Afrique occidentale en sont encore à cette phase du développement économique où la propriété individuelle du sol comportant droit privatif et héréditaire de disposition et de vente commence à peine à poindre. »

La logique foncière de l’époque était la traduction juridique de l’entreprise coloniale sur le terrain pratique. Et tous les administrateurs coloniaux ont contribué sans exception à désarticuler les sociétés africaines pour que triomphe dans les codes napoléoniens ce type de propriété subjective inhérente au pouvoir ou à la capacité de l’individu.

En fait, la colonisation était la projection à l’échelle des pays soumis, de l’Afrique et du monde entier, du phénomène d’exploitation qui avait réussi en Amérique et aux Caraïbes dès le 17e siècle. Il n’est même pas besoin de rappeler le Code des indigènes pour infirmer les velléités de Koulouba de 2006. Les législations coloniales étaient des législations d’Apartheid, à côté des tribunaux français il y avait la justice indigène ! .

Les idéologues de Koulouba savent parfaitement qu’en 1906 il ne s’agissait plus d’assurer un profit par la seule domination de l’échange inégal. Que la question de la mise en valeur du sol constitue le point capital d’un programme de colonisation ? Et pour ce faire il fallait assurer l’accès matériel à la terre, en créant des voies de communication, c’est-à-dire le chemin de fer, les ports, la navigation fluviale, les routes…

De même que ces instruments participent de la colonisation, de même il faut placer dans ce cadre la construction des hôpitaux. Tout est mis en œuvre pour que l’« indigène » renonce à l’idée d’être soi-même. Même l’idée d’être indépendant.

A titre historique, faut-il remonter dans le temps et rappeler que l’avènement des Hyksos au trône des Pharaons de l’Egypte ancienne pendant deux (2) siècles a été une interruption et une remise en cause des civilisations de l’Egypte pharaonique.

De même la présence des Etrusques à Rome en 753 avant Jésus Christ et l’exercice du pouvoir en évinçant les romains jusqu’à la révolution de 509 avant Jésus- Christ.

Les Etrusques, en dépit de tout ce qu’ils ont fait : Assèchement des marécages, lotissements et érection des faubourgs en cité, ont brimé les autochtones romains jusqu’à l’avènement de la République en 509.
Il ne vient à aucun esprit standard de vanter « les mérites » de l’occupation allemande de 1939-1945 en France !
A plus forte raison de médailler les petits-fils d’Hitler ou de Mussolini.

Toute colonisation ou administration étrangère violente ou non a ceci de négatif qu’elle arrête un processus historique en cours et nie aux autochtones leurs droits d’être ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent être.

C’est pourquoi nous disons que le maintien et le respect de nos coutumes ancestrales par les administrateurs coloniaux n’a été qu’un vœu pieux. L’exemple du droit colonial de la terre est l’expression concrète des intérêts de la domination française de l’époque.

A preuve l’élaboration des théories comme celle de « terres vacantes et sans maîtres » ou celle du « domaine éminent » ont consacré la confiscation de la propriété du sol par le colonisateur et à démasquer son vœu de respect des coutumes locales limitées au seul niveau de statut personnel. Or, si vous avez la terre vous avez les hommes et tous ceux qui y vivent.

Aujourd’hui il faut se poser la question de savoir si demain nos enfants doivent à leur tour
reconnaître les mérites de la mondialisation, avec les leaders comme les directeurs de la Banque Mondiale et du F.M.I.

Les petits enfants qui ont visité Koulouba devront-ils comprendre la présence des enfants ou petit-fils de Trentenian et autres que leurs parents ou grands-parents sont excusés ? Que tout ce que Lamartine, Léon Blum, Tiémoko Garang Kouyaté et Lamine Senghor ont écrit et dit est une contrevérité ?

Devons-nous comprendre, nous-mêmes que médailler les fils et petit-fils des administrateurs coloniaux équivaut à dire que le R.D.A s’est trompé ?

Maître A.T. DIARRA est chargé du Cours d’histoire du Droit et des Institutions à la Faculté des sciences juridiques et Politiques