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G-8

LE G8 ET L’ACCROISSEMENT DE LA PAUVRETE DES FEMMES

Vendredi 25 mai 2007, par Lysiane Role

La lutte contre la pauvreté sera un des thèmes principaux traités lors de la prochaine réunion du G8 d’Heiligendamm. Mais si ce thème est considéré comme prioritaire pour les « grands » de ce monde, l’expérience passée doit nous inciter à la plus grande prudence. En effet, le G8 est constitué de 8 huit chefs d’Etat ou de gouvernement qui ce sont autoproclamés en charge de la direction des affaires du monde.

La lutte contre la pauvreté sera un des thèmes principaux traités lors de la prochaine réunion du G8 d’Heiligendamm. Mais si ce thème est considéré comme prioritaire pour les « grands » de ce monde, l’expérience passée doit nous inciter à la plus grande prudence. En effet, le G8 est constitué de 8 huit chefs d’Etat ou de gouvernement qui ce sont autoproclamés en charge de la direction des affaires du monde.

Or, ces pays contrôlent le FMI, la Banque mondiale et l’OMC et ce sont en premier lieu ces institutions internationales qui ont impulsé les politiques néolibérales qui ont conduit à l’accroissement dramatique de la pauvreté dans le monde. On constate que les femmes sont touchées de plein fouet par ce phénomène.

La pauvreté des femmes est le fruit d’une interaction entre le système patriarcal et le néolibéralisme économique. Si le patriarcat existait avant le néolibéralisme, ce dernier a su en tirer parti et s’en nourrir. Dans la mesure où elle approfondit les rapports capitalistes de production, la mondialisation génère des situations contradictoires.

Elle aggrave les conditions d’exploitation capitaliste et crée en même temps les conditions de l’internationalisation des luttes. Quand les créations d’emplois dans les secteurs d’exportation, emplois sous-qualifiés, sous-payés et surexploités « bénéficient »majoritairement aux femmes, les structures sociales traditionnelles se trouvent modifiées, créant ainsi les conditions d’une possible émancipation. La question de l’accroissement de la pauvreté des femmes passe, en premier lieu, par l’étude de la politique des institutions financières internationales (IFI) – à savoir le FMI et la Banque mondiale – sur lesquelles s’appuient les membres du G8. En second lieu, il conviendra d’étudier les différentes formes de travail « féminisé »et en troisième lieu, les différentes luttes de femmes et leurs
perspectives.

Le FMI et la BM, des politiques vectrices d’inégalités

Les plans d’ajustement structurel (PAS) : L’impact des plans d’ajustement structurel, imposant un certain modèle de développement, a été dramatique dans les pays où ils ont été imposés. En effet, les politiques d’ajustement structurel qui en ont résulté ont touché les femmes de plein fouet. Les PAS, institués dans les années 80, dans la droite ligne du tournant néolibéral prôné par le G8, ont engagé les pays du Sud dans une spirale de pauvreté sans fin. Ce furent d’abord les services sociaux de santé et d’éducation qui firent l’objet de privatisations généralisées. Les femmes en furent les premières victimes et notamment les filles, sacrifiées au profit des garçons, dans l’accès à l’éducation offerte au marché et devenue ainsi toujours plus coûteuse.

En matière de santé, on a même vu certaines maladies se « féminiser ». Ainsi, par exemple, en Afrique, dés les années 90, sur les 25 millions de personnes porteuses du VIH, 58% étaient des femmes. Enfin, les femmes
n’ont que très peu d’accès au crédit, aux moyens de production ou à la terre.

Ceci ne constitue qu’un aspect de la déréglementation généralisée qui a conduit à des coupures drastiques dans les dépenses publiques, à des licenciements massifs dans l’administration, à la suppression des subventions aux produits de première nécessité… Un constat s’impose, si les plans d’ajustement structurel ont contribué au paiement du service de la dette extérieure, ils ont plongé certaines sociétés dans des situations explosives avec le développement d’épidémies, des guerres civiles, de la croissance des activités criminelles.

L’instrumentalisation des femmes : Devant cette situation, force a été de constater, notamment devant l’émergence de luttes et de résistances, même pour les plus orthodoxes de la pensée néolibérale que les plans d’ajustement structurel (remplacés, en 1999, par les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté) ont échoué. La Banque mondiale a donc changé de stratégie en tentant d’instrumentaliser les femmes. En introduisant une dimension de genre dans sa politique, elle considère désormais que les discriminations particulières dont les femmes font l’objet sont une entrave à leur productivité dans le cadre domestique et sur le marché du travail. Elle va prôner le développement du système éducatif pour permettre aux femmes d’accéder plus facilement à un travail qui pourra être à temps partiel dans le cadre d’un marché flexible. Mais en même temps, elle va prôner le développement de certains types d’emplois non soumis à une réglementation protectrice des droits sociaux, notamment par la promotion du secteur informel, censé échapper à une réglementation du travail considérée comme trop contraignante.

Dans le même temps et toujours pour limiter le rôle de l’Etat, elle va promouvoir le rôle des ONG, des associations de terrain pour leur faire assumer certaines tâches dans des domaines où les femmes sont
majoritaires (social, éducation…), pensant ainsi éviter une explosion
sociale et faire accepter les PAS. Les conséquences de tout cela sont très négatives, cela aboutit en effet à un démantèlement de la législation du travail, du droit syndical… Malgré ces échecs répétés pour lutter contre la pauvreté, le G8 continue de présenter le dogme libéral comme un horizon indépassable. Ainsi, Jacques Chirac en appelait, en 2003, à la « responsabilité de tous les Etats pour établir les conditions d’une croissance économique stable et d’une libéralisation financière ordonnée ».

La précarisation accrue du travail des femmes et les résistances au Sud

Le travail informel : Selon la définition de l’ONU (2004), ce type de travail concerne les entreprises non enregistrées au-dessous d’une certaine taille, les personnes rémunérées ou non des entreprises informelles (fermes et affaires familiales) et les travailleurs occasionnels sans emploi fixe. Particulièrement développé dans les emplois du Sud, 60% des emplois urbains en Afrique et 25% en Amérique latine, le travail informel concerne principalement les femmes : 90% des femmes actives en Inde et Indonésie (hors agriculture et jusqu’à 97% en Afrique subsaharienne (Mali, Bénin, Tchad). Ce type de travail de subsistance est peu rémunéré. Il n’accorde aucun droit à la moindre protection sociale. Il est très répandu dans le domaine de la sous-traitance effectuée par le secteur formel et ses faibles coûts alimentent largement les profits des multinationales.

Les zones franches : Au Sud, du fait des délocalisations de sites de production employant un salariat majoritairement féminin, les femmes représentent entre 70% et 90% des salariés des usines tournées vers l’exportation (habillement, textile, agroalimentaire, électronique) dans les zones franches. Ces zones constituent un lieu idéal pour développer ce type de salariat : pas de droit du travail, ni de protection sociale, des avantages fiscaux et matériels importants, des bas salaires et des conditions de travail tellement pénibles que les femmes n’y travaillent en moyenne que 7 ans. Ces usines sont essentiellement tournées vers l’exportation, elles ne sont que des lieux d’assemblage, la plus grosse partie étant importée et ne font appel ni au marché interne, ni aux produits locaux.

Exemples de luttes : Parfois, les ouvrières prennent conscience de leur force collective. Ainsi au sein des maquiladoras, après des années de répression, leurs luttes ont contribué à la création d’un « quatrième atelier des femmes travailleuses des maquiladoras ». Ce réseau combine différentes formes d’organisation de la classe ouvrière, de la communauté, des mouvements féministes et internationalistes.

Le cas particulier de la Chine : En Chine, le Parti communiste, son syndicat officiel (seul syndicat légal) et les gouvernements locaux se retrouvent aux côtés des capitalistes les plus impitoyables, notamment en étant fréquemment actionnaires des multinationales. Il n’y a donc pas de représentation efficace des salariés et notamment d’un salariat jeune et féminin, soumis à des conditions de travail extrêmement contraignantes. On commence donc à assister au développement de grèves et d’actions parfois très violentes et fortement réprimées. Et, fait nouveau, depuis peu certaines usines de chaussures de la région de Dongguan commencent à faire face à une certaine pénurie de main-d’œuvre, autrefois abondante, du fait du retour de travailleuses de la campagne chez elles.

Au Nord : Chômage, précarité et temps partiel

En France, selon l’INSEE (2004), les femmes constituent 54% des chômeurs, elles occupent 83% des emplois à temps partiel, 60% des emplois aidés ou des CDD et constituent 80% des salariés payés en dessous du SMIC. Et en Europe, les écarts salariaux vont de 16% à 33%. Rarement choisi, souvent subi, le travail à temps partiel est souvent « proposé » aux femmes au nom du principe de « conciliation de la vie familiale et professionnelle », principe qui à défaut de concilier quoique ce soit aboutit en fait à flexibiliser au maximum l’emploi des femmes. Globalement, la double journée de travail persiste. Le travail féminin est encore trop souvent comme considéré d’appoint. Les femmes, plus diplômées que les hommes voient leur progression de carrière freinée (plafond de verre). Même la fonction publique, majoritairement féminisée, n’est plus à l’abri avec le développement de différents types de contrats précaires. Et, fait nouveau, le travail informel tend à se développer, notamment dans le domaine des services d’aide à la personne. Tout cela a des conséquences sur les retraites qui dans ces conditions seront très basses, forçant les femmes à travailler plus longtemps.

A l’Est : Le passage à l’économie de marché a opéré un creusement des inégalités sociales et de genre, avec une forte baisse des salaires et l’augmentation massive du chômage qui y est de l’ordre de 20%. On a également pu constater un fort glissement du secteur formel vers le secteur informel. Sur les 26 millions d’emplois supprimés depuis la chute du mur de Berlin, 14 millions étaient des emplois féminins. Le démantèlement des services d’aides publiques (garde d’enfant, services sociaux) a renforcé femmes la double journée de travail des femmes. Enfin, la prostitution connaît une croissance non négligeable.

Que ce soit pour les femmes ou l’ensemble des populations, le fait qu’un petit groupe de privilégiés qu’est le G8 s’arroge le droit, depuis 1975 et sa première réunion à Paris, de décider pour l’ensemble du monde constitue un déni de démocratie flagrant. Le G8 est illégitime.

Lysiane Rolet, commission genre et mondialisation


Voir en ligne : http://www.france.attac.org