|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > L’activisme politique dans les milieux estudiantins

MAROC

L’activisme politique dans les milieux estudiantins

Lundi 30 juin 2008, par Montassir Sakhi

Au Maroc comme à d’autres Etats de la ronde, l’action politique a toujours été marquée par la forte présence et influence des mouvements estudiantins. Ces mouvements ont caractérisé la France de 1986 et tout le continent européen par la suite. Le Maroc de son côté a connu l’ère dorée de l’action politique dirigée par les étudiants de différentes universités et grandes écoles. Les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt ont été profondément influencées par cette présence pesante.

Ces années gardent de souvenir à la fois fascinants et douloureux. Peut-on recourir à une comparaison entre ces années d’antan et celles qu’on vit aujourd’hui dans nos universités, cités universitaires et milieux estudiantins en général ? Peut-on juger l’action de nos jours comme figée et en pleine régression par rapport à celle du passé simple ? Ou tout simplement, est-ce qu’il s’agit d’un recul de tous les intellectuels du Maroc, qu’ils soient des étudiants ou autres particuliers ? Enfin, peut-on espérer une nouvelle résurrection de l’esprit engagé ? Histoire/Reportage

Après l’indépendance obtenue en 1956, l’Université marocaine a connu de profondes mutations que cela soit au niveau de sa structure ou bien de son organisation. A l’époque l’Union National des Etudiants Marocains (UNEM) était considéré comme étant le porte-parole syndical des étudiants marocains. Son premier congrès national datte 1956 et prévoie que cette organisation estudiantin est un syndicat qui veillera à la protection des droits des étudiants. Lors de ce congrès, les membres de son bureau exécutif étaient, particulièrement, des partisans de l’Istiqlal. En 1958, lors du troisième congrès, le rapport moral indique qu’il s’agit bel et bien d’une organisation à idéologie progressiste. Cette affirmation s’explique par son attachement au parti l’UNFP qui vient d’être fondé par le martyre de la liberté et du militantisme Mehdi Ben Barka. En 1960, l’UNEM a dénoncé le régime politique marocain jugé « et théocratique et tyrannique ». La proclamation de l’état d’exception en 1965, le recul flagrant des libertés publiques le renforcement de l’état de siège, ainsi que les événements de Mai 1968, qui ont bouleversé la république de l’hexagone, tous étaient des causes parmi d’autres qui ont influencé l’UNEM qui devient par la suite un véritable parti révolutionnaire se basant sur les théories Marcusiennes (de Herbert Marcuse, philosophe américain d’origine allemande, marxiste, membre de l’école Francfort). En 1970, une grande partie de l’UNEM quitte l’UNFP pour créer une organisation politique clandestine, à savoir 23 Mars ; mouvement marxiste-Léniniste, avec une tendance Maoïste, et qui avait comme but prépondérant, la théorisation à une révolution culturelle au sein de la société marocaine. Après que feu Omar benjalloun rompait avec l’UNEM et la quittait ainsi que tous les étudiants de l’USFP pour créer la jeunesse Ittihadie en 1972, le syndicat des étudiants marocains entrait en véritable affrontement avec le régime étatique. Son idéologie à cette époque n’est autre que celle du marxisme-guévarisme, croyant à la guérilla. A cette ère l’UNEM figurait parmi les organisations politiques interdites au nom de la lutte contre le trouble de l’ordre public. Une centaine de ses membres ont été kidnappés et incarcérés. Quinze d’entre eux ont été exécutés le premier Novembre 1973 à Kenitra.

Les mouvements estudiantins marocains ont connu plusieurs transformations durant leur histoire. Une histoire qui s’avère riche et s’ouvrant sur maintes interprétations et lectures. Des questions multiples également se posent et importunent tout essayiste tâchant d’en répondre : pourquoi cette action a-t-elle échoué ? Qu’elles étaient ses fins ? Qu’elles sont ses résultas et pour quelles raisons elle s’est éteinte ?

Répondre à ces questions épineuses nécessite une profonde réflexion se fondant sur des études de politologie et d’histoire capables de revenir sur les origines de ces mouvements ainsi que ses transformations. Or, il est fort utile d’affirmer que ces mouvements ont été à la fois dynamiques et disposant des moyens fondamentaux afin de créer des alternatives. Les étudiant constituant ces organismes avaient la liberté et les droits humains comme dessein. Ils ont lutté contre l’absolutisme et la dictature de l’Etat. Des milliers d’entre eux ont été suppliciés et horriblement torturés, rien que pour des pensées et opinions jugées insurrectionnelles. Certains défendeurs de l’Etat du Makhzen osent incriminer aujourd’hui ces héros engagés en proférant des idées loin d’être véridiques et raisonnables. Ils affirment que ces mouvements avaient pour but le complot et l’anéantissement de la monarchie constitutionnelle. Alors qu’au fond, il s’agissait avant tout d’un débat d’idées naissant dans nos universités et voulant instaurer l’Etat de droit en véhiculant des pensées incitant à la révolution culturelle qui reste comme étant l’épine dorsale, voire la pierre angulaire de toute révolution industrielle et sociale. Ce débat d’idées a été suffoqué depuis sa naissance. L’appareil despotique à savoir le Makhzen qui contrôle l’Etat a lutté sans merci contre ces mouvements. Certes, il y avait quelques transgressions des lois et des normes de la part de ces organisations. Or, il s’agit principalement de réactions contre les approches étatiques visant à démolir leur existence.

Insensé est celui qui croit que seul l’Etat despotique et ses rouages de l’intérieur étaient derrière l’extinction des mouvements estudiantins marocains. Des difficultés et complications internes se sont imposées impitoyablement au sein des dits mouvements. L’organisation syndicale estudiantine a connu multiples scissions provenant du fait des différends et contradictions apparaissant souvent entre ses membres défendant des idéologies limitrophes et appartenant à la même famille de la gauche. Des conflits organisationnels ont contribué également à la pulvérisation de cet organisme. Aujourd’hui se sont les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane qui s’accaparent de cette institution après qu’ils ont renforcé leur présence au sein des universités marocaines. Nombreux, dynamiques, et déterminés, les Adlistes de Abdessalam Yassine occupent la scène universitaire. Leur nombre est en pleine expansion. Cela est dû à leur action communicationnelle menée sur différents niveaux. Leur idéologie puise de l’islam politique le livre Al Minhaj Annabaoui du mythique Abdessalam Yassine reste comme étant la référence sacrée de leurs approches « militantistes ». Leurs revendications se basent généralement sur des arrivées religieuses sans pouvoir clairement distinguer entre ce qui est spirituel/divin d’une part et ce qui est syndico-politique d’autre part. « L’UNEM c’était dans les années 70, il y avait une émergence de nouvelles pensées, mais ces temps là c’est fini. Dommage ! » Affirme un ex-Unemiste avec un ton lugubre.La situation actuelle des milieux estudiantins inspire du regret et beaucoup de chagrin. Nos universités semblent complètement détachées de leur environnement socio-économique. La production des idées de démocratie et du modernisme a cédé sa place à la production de la violence et des conflits entre des dogmes idéologiques incitant à la haine et au refus de l’autre. La politique est en perpétuel recul devant la pensée arriviste et celle du désespoir et de dogmatisme raciste. Ces idées ont débouché à maintes reprises sur des conflits et confrontations sanglantes entre les étudiants de différents pseudo-courants.Aujourd’hui, c’est toute une obligation de réforme qui s’impose. Il faut revaloriser l’Université en la faisant sortir de ses caves noircis. Il ne s’agit pas de réformes superficielles, mais de véritables métamorphoses touchant toute la base de l’intelligentsia de notre société. L’Etat devrait considérer les étudiants comme étant le vecteur prépondérant de tout développement humain et national.


Voir en ligne : www.cetri.be