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G-8

L’Afrique mise de côté

Vendredi 8 juin 2007, par Moussa Faye

La grande messe des 8 pays les plus riches au monde se tient à Heiligendamm en Allemagne. Et comme à chaque rencontre de ce club comptant parmi les nations les plus favorisées au monde un vague espoir sera entretenu pendant quelques jours chez les nations pauvres, particulièrement chez les activistes de la lutte contre la pauvreté et l’iniquité qui caractérisent le monde d’aujourd’hui. Mais pour Moussa Faye, les Africains doivent cesser de ce leurrer car pour le G8 l’Afrique n’est même pas une sous-priorité.

Le G8 n’est pas une instance de gouvernance internationale à l’instar des instances de l’ONU, l’OMC ou des organisations régionales telles que l’Union Africaine ou encore l’Union Européenne, il n’a pas un mandat émanant des nations. Mais il s’est proposé lui-même comme but d’apporter une réponse concertée aux questions qui secouent le monde d’aujourd’hui, les pays membres du G8 étant réputés être les plus influents de la planète. Qui définit ces questions importantes ? Qui en établit la hiérarchie et les priorités ? Le G8 lui-même.

Et nous voilà au cœur du débat sur la légitimité du G8 en tant qu’instance qui décide pour le monde. Cette question a été soigneusement occultée ces dernières années particulièrement sous l’enthousiasme et l’euphorie nés de la présidence du G8 par Tony Blair qui de façon volontariste et politicienne avait place la pauvreté et la question de l’assistance à l’Afrique au centre du sommet de Gleneagles il y a deux ans. Le sommet de Saint Petersburg l’année dernière avait coupé court cet élan Blairiste en opérant un recentrage du G8 sur les préoccupations des pays riches et puissants : l’énergie (c’est-à-dire son contrôle par les riches), le terrorisme, les maladies infectieuses (formulation qui renvoie la question vitale pour l’Afrique du VIH/ SIDA derrière celle de la grippe aviaire par exemple).

Angela Merkel n’a fait que renforcer cette tendance en annonçant quelques mois après Saint Petersburg que l’Afrique ne sera pas une priorité à Heiligendamm. Les protestations de la société civile mondiale qui s’en sont suivies ont certes amené la Chancelière à nuancer cette position sans pour autant changer dans le fond.

Jusqu’à cet instant, il n’y a pas de consensus sur le communiqué concernant l’Afrique et l’Italie et le Canada refusent même de réitérer les promesses faites à Gleaneagles d’amener l’aide publique au développement a 50 milliards de dollars d’ici 2010 et de consacrer la moitié de cette aide à l’Afrique.

Tout indique par ailleurs que cette promesse ne sera pas tenue par le G8 car il y a un gap de 6 milliards de dollars chaque année par rapport à l’aide promise depuis 2005. En fait d’augmentation de l’aide au développement il faut beaucoup relativiser ce qui est pompeusement appelé « augmentation de l’aide » car un tiers de l’augmentation de l’aide est constitue par l’annulation de la dette injuste qui a mis les économies africaines à genou.

L’aide ou l’augmentation de l’aide dans beaucoup de cas ne correspond pas du tout à des rentrées d’argent pour l’Afrique. Par exemple 50% de l’augmentation de l’aide de la France aux pays pauvres est constituée de l’assistance apportée aux demandeurs d’asile et aux réfugies sur le territoire français. Cette augmentation d’aide n’a évidemment aucune incidence sur la lutte contre la pauvreté en Afrique

Le commerce international, principal mécanisme d’appauvrissement de l’Afrique a travers les subventions des pays riches à leur agriculture qui leur permettent de déverser sur le continent des produits bon marché qui concurrencent et étouffent la production locale, reste une pomme de discorde entre le Nord et le Sud. L’Europe comme les USA cherchent à ouvrir davantage les marchés du continent tout en se gardant farouchement de libéraliser leur agriculture. Cette intransigeance et cette schizophrénie des pays riches ont mené le cycle de négociations de Doha à l’impasse qui est tant décriée aujourd’hui.

70% de la population africaine composée de producteurs paysans ne peuvent pas faire face à l’importation massive de produits vendus en dessous de leur coût de production. Ce dumping qui a fortement contribué à la crise de l’exploitation agricole familiale, base du système de production africain, a déjà poussé des millions d’Africains à abandonner leurs terres et bon nombre d’entre eux cherchent aujourd’hui à entrer illégalement sur le territoire européen. Comble d’ironie l’assistance apportée aux naufragés africains sur les côtes espagnoles et autres immigrés illégaux africains est fortement comptabilisée au titre de l’aide au développement de l’Afrique. Le G8 va occulter toute cette problématique.

Ainsi l’Afrique est en train d’être moins qu’une sous priorité pour le G8 qui ignore aussi les véritables mécanismes à actionner pour aider le continent noir à se passer de l’aide. Le G8 semble préférer la charité en lieu et place de la justice et l’équité pour l’Afrique. Aux leaders africains d’en tirer toutes les conséquences !

* Moussa FAYE est le Représentant Résident de ActionAid Senegal, basé à Dakar.