|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > Mondialisation et résistances > Entre la promesse et la tragédie

MEXIQUE

Entre la promesse et la tragédie

Mercredi 6 décembre 2006, par Ana Esther Ceceña

Quelques références historiques et symboliques

Il y a cent ans, la devise « suffrage réel, pas de réélection » fut le détonateur d’une révolte contre le système des haciendas [exploitations agricoles, ndlr] par lequel les latifundistes [grands propriétaires terriens, ndlr] maintenaient les relations de servitude, et contre un système politique de type patrimonial, séquestré par une élite qui gouvernait en fermant toutes les brèches et en utilisant l’armée comme une garde privée en cas de protestation populaire.

Porfirio Diaz, le premier président modernisateur, construisait des voies de chemin de fer qui étaient comme des veines ouvertes, pour paraphraser Galeano, par où transitaient les richesses du Mexique pour alimenter l’insatiable industrie des Etats-Unis, tout en maintenant les privilèges des latifundistes et les relations de travail héritées de la colonie. Peu à peu, pendant la Révolution, les chemins de fer, qui étaient le symbole du progrès et de l’intégration au marché mondial, sont devenus celui de la révolte populaire contre le système latifundiste et les privilèges. Ses voies conduisaient les révolutionnaires et les adelitas, des femmes courageuses qui ont contribué à construire le Mexique du XXe siècle, dans leur lutte pour transformer le pays.

Les contradictions sociales débordaient par tous les pores de la société et explosèrent comme du magma face à un événement apparemment électoral : la revendication de respect du suffrage et la non réélection [de Porfirio Diaz, ndlr]. Pourtant, les exigences des révolutionnaires portaient sur le territoire et son utilisation, les relations de travail, les conditions politiques, la liberté de la presse : ils remettaient en question, de manière générale, les contenus et les formes de l’organisation sociale d’une nation qui n’en finissait pas de se construire comme telle.

Après l’expulsion de Porfirio Diaz et de nombreuses batailles, les révolutionnaires se réunirent à une grande Convention (la Convention souveraine révolutionnaire, dans la ville d’Aguascalientes [1]) où fut rédigée la Constitution des Etats-Unis du Mexique, un corps normatif qui sellait le pacte social issu de l’accord entre zapatistes, villistes, carrancistes, obregonistes [respectivement partisans d’Emiliano Zapata, de Pancho Villa, de Venustiano Carranza et d’Alvaro Obragon, ndlr] et toutes les autres forces participantes. La convention ancrait la refondation de la nation sur de nouvelles bases.

Quelques cent ans plus tard, les indigènes mexicains qui se revendiquent l’héritage d’Emiliano Zapata se sont soulevés contre les modifications (néolibérales) de la Constitution, qui annulent les compromis impulsés par Zapata en ce qui concerne la propriété collective de la terre [2], et contre l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain (ALENA) qui rassasie sa commercialisation effrénée. Et comme il s’agissait de revoir, de réaffirmer ou de recréer aussi bien le pacte social que les conditions de fonctionnement de la société mexicaine en incluant explicitement les peuples indiens, les zapatistes invitent à la tenue d’une nouvelle Convention Nationale Démocratique (CND) avec la participation de toutes les forces politiques du pays, ce qui évoque un exercice visant à sanctionner les conditions générales de conflit et l’accord auquel sont arrivées les forces révolutionnaires en 1914-1916.

La nouvelle CND a lieu près d’un siècle plus tard dans la forêt Lacandona [état du Chiapas, ndlr], à l’appel des peuples indiens organisés autour de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN, sigles en espagnol), et correspond à une concertation sociale qui engage les zapatistes à ne pas utiliser d’armes pour, ensemble, lutter politiquement pour la transformation du pays à travers un nouvel accord constituant qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas trouvé les conditions nécessaires à sa réalisation.

Le 16 septembre 2006 [3], à l’initiative cette fois de ceux qui ont misé que les conditions de démocratisation du pays existaient encore dans les circonstances institutionnelles actuelles, sont lancés les travaux de préparation d’une nouvelle CND, dont la première résolution a été de ne pas reconnaître la situation institutionnelle et de nommer un président légitime, autre que le président reconnu légalement.

Comment en arrive-t-on à 2006 ?

Depuis 1994, le soulèvement zapatiste a révélé les limites du système politique mexicain, en montrant comment celui-ci entrait en crise, avant d’être complètement construit ou au moment où il est devenu évident que sa construction était incomplète. Même dans les cadres limités de la représentativité et des pratiques répétées de supplantation, ce système politique a trouvé la manière de faire face à une réalité sociale qui l’a littéralement débordé.

Elle l’a débordé en 2001, quand une marche massive et spectaculaire a amené tous les commandants de l’EZLN, accompagnés de milliers d’étudiants, de travailleurs, d’intellectuels, de paysans, de bandes de jeunes [chavos banda] et beaucoup d’autres catégories sociales, à la ville de Mexico pour exiger au Congrès l’approbation des Accords de San Andrés [4] sur les droits des peuples indiens. Mais ils ont été ignorés par unanimité : il n’y a pas eu une ombre de compréhension chez les « représentants du peuple » devenus la « classe politique », et les trois pouvoirs de l’Union se sont prononcés contre les exigences des manifestants.

Elle l’a à nouveau débordé en 2006, quand les institutions créées pour garantir la transparence électorale et le régime bi ou pluripartiste, si cher aux modèles de « démocratie » considérés, de façon autoritaire, comme « universels », n’ont pas pu résister à la tentation de reproduire leurs pratiques traditionnelles de corruption et de défense du patrimoine, parce qu’il n’y a aucune moralité véritable qui les soutient.

Un pays multi présidentiel

En octobre 2006, après la tragédie démocratique due aux institutions électorales, le Mexique se trouve face à une situation inédite : il a trois présidents en même temps.

Le premier, Vicente Fox, est sur le point de terminer son triste et terne mandat [5], qui n’est même pas arrivé à répondre aux attentes de ses électeurs. Ceux-ci voyaient dans son élection une possibilité d’ouverture vers un système politique qui serait davantage pluriel, même si pas nécessairement plus démocratique.

Le deuxième, Felipe Calderon, a été reconnu par les instances électorales comme le « président élu » et doit entrer en fonction [est entré en fonction, ndlr] le 1er décembre. Cette reconnaissance est l’aboutissement d’un processus fortement critiqué et très mal résolu, avec des irrégularités et des contestations qui n’ont pas été suffisamment éclaircies. Elle est, de ce fait, désavouée par une très grande partie de la société (environ la moitié des électeurs).

Le troisième, Andrés Manuel Lopez Obrador, a perdu les élections de 0,6% selon les chiffres officiels, mais a été nommé « président légitime » et a été reconnu par la population sur la place publique comme étant le vrai gagnant du fait des irrégularités commises à son encontre lors du processus électoral. Son entrée en fonction est prévue pour [s’est faite, ndlr] le 20 novembre, jour de la commémoration de la Révolution mexicaine. Elle précède ainsi celle de Felipe Calderon.

Quels sont les enjeux ?

Le Mexique est un pays charnière, le chaînon d’articulation entre les Etats-Unis et l’Amérique latine, et ce, pas uniquement d’un point de vue géographique. C’est le territoire qui ferme le bloc de l’Amérique du Nord, aujourd’hui considéré comme homeland par les Etats-Unis qui l’ont laissé à la charge de l’USNorthCom [6].

Le bloc territorial du nord de l’Amérique est sans doute la première forteresse depuis laquelle le pays à l’hégémonie planétaire construit ses possibilités et se projette vers le reste du continent et du monde. Matériellement, il possède une bonne partie des ressources considérées comme stratégiques ou critiques pour reproduire le système dans son ensemble et pour maintenir une supériorité ou rester à l’avant-garde dans tous les domaines fondamentaux. D’un point de vue géostratégique, c’est un bloc presque insulaire, ce qui lui accorde des avantages de défense supplémentaires dont ne dispose aucun de ses concurrents potentiels. La frontière terrestre qu’il a avec le reste du monde se réduit à quelques kilomètres, au milieu d’une forêt surveillée et contrôlée par un système maritime, terrestre et satellitaires combinés très dense.

En plus d’un Accord de libre-échange (l’ALENA) qui introduit des normes supranationales limitant la capacité souveraine à décider des politiques internes, le 23 mars 2005, l’Alliance pour la Sécurité et la Prospérité de l’Amérique du Nord (ASPAN) a été créée pour « protéger la région d’Amérique du nord contre les menaces extérieures » en développant des « mécanismes d’échange d’informations et de coopération » pour prévenir le terrorisme et pour contrôler le trafic de personnes dans la zone « en mobilisant une équipe de haute technologie aux frontières communes ». Si l’ALENA a, à une époque, servi d’exemple aux autres traités de libre-échange du continent, aujourd’hui l’ASPAN semble être le fer de lance des accords généraux visant à faire de l’Amérique un bloc territorial avec une seule frontière extérieure, mais avec des murs et des contrôles redoublés à l’intérieur.

Surveiller le bloc nord-américain dans son ensemble est, pour les Etats-Unis, une tâche relevant de la sécurité nationale. Et encore plus quand les changements politiques en Amérique du Sud ont relativement modifié leurs conditions d’accès et de mobilité dans le continent.

Les articulations qui se sont établies entre certains gouvernements de la région pour élargir leur marge de manœuvre face aux Etats-Unis ont permis, même si elles sont encore timides, certains mouvements autonomes et le rejet de certaines des initiatives proposées par Washington [7]. C’est notoirement le cas de la Zone de Libre-Echange des Amériques (ZLEA), qui, malgré toutes les pressions, n’a pas encore pu être mise en œuvre aujourd’hui. Dans ces conditions, le Mexique prend encore plus d’importance, comme membre de la zone sécurisée et comme cheval de Troyes pour « latino-américaniser » les initiatives états-uniennes [8] et pour poursuivre les réformes structurelles qui, jusqu’ici, ont été empêchées par les peuples de la région.

Dans le cas du Mexique, où les privatisations ont déjà atteint les plus hauts niveaux d’Amérique latine, il reste des ressources intéressantes pour les investisseurs étrangers et pour la conduite des projets stratégiques de sécurité. Parmi les réformes prévues et que Fox n’a pas réussi à terminer, soulignons : la privatisation du pétrole, du gaz et de l’électricité, considérée comme faisant partie des plans de l’ASPAN, qui défend l’intégration énergétique de l’Amérique du Nord ; la privatisation de l’eau, génératrice d’énergie et de vie, abondante dans le sud et le sud-est du Mexique ; l’intégration-privatisation du système des communications pour assurer le contrôle informatique et médiatique total ; et les réformes du marché du travail garantissant une offre abondante, souple et contrôlée de force de travail variée et polyvalente. Toutes ces réformes impulsent en même temps des réformes équivalentes dans le reste du continent.

Défis et dénouements possibles

Suite à la reconnaissance officielle de Calderon comme futur président, les voix des organismes internationaux, des chefs d’entreprise et de hauts fonctionnaires du Mexique et des Etats-Unis (et même de certains acteurs de l’Union européenne) se sont faites immédiatement entendre pour insister sur le besoin d’accélérer le processus d’approbation des réformes structurelles qui n’avaient pas encore été réalisées [9]. Ils ont appris avec Fox qu’il vaut mieux se dépêcher et ils font pression sur Calderon, engagé de fait envers ces objectifs et en position vulnérable. On peut donc supposer que les premières mesures prises par Calderon tendront à approuver des réformes structurelles qui, si elles sont mises en oeuvre, transformeraient totalement la plate-forme depuis laquelle la nation se discute et se détermine.

D’autre part, Lopez Obrador semble opter pour la stratégie de gouvernement en exil utilisée par Benito Juarez au moment de l’invasion française [10]. Dans cette perspective, il devrait nommer ses ministres et préserver autant que possible la dignité d’un gouvernement en résistance. Cela permettrait au moins de maintenir un équilibre des pouvoirs qui empêcherait Calderon de mener à bien ses projets et, dans cette mesure, bien que le centre de l’initiative resterait le combat présidentiel, il contribuerait à empêcher que le pays ne soit totalement soldé.

Les problèmes que pose cette alternative sont nombreux, complexes et en, un certain sens, inédits.

D’une part, le Parti de la Révolution Démocratique (PRD) [parti de Lopez Obrador, de centre-gauche, ndlr], puisqu’il fait partie du système politique actuellement remis en cause, se trouve impliqué des deux côtés et, au vu de ses antécédents, il pourrait ne pas avoir la capacité de rester en rébellion pendant une longue période.

D’autre part, la lutte centrée sur la figure de Lopez Obrador, doit, paradoxalement, pour se maintenir et ne pas perdre de force en cours de route, changer de cap pour laisser la place à la construction d’un large accord entre les principales forces politiques qui, de façons différentes et parfois même contradictoires, sont engagées dans la bataille pour la défense du patrimoine et de la souveraineté du peuple mexicain. C’est-à-dire : une lutte contre le système politique dans son ensemble (institutions et budget inclus) centrée sur une seule personne, aussi représentative soit-elle, ne remplit pas les conditions pour perdurer sur une longue période. Il faudrait pour cela qu’elle se transcende et qu’elle place les objectifs prioritaires de sauvetage de la nation au cœur de son action.

Dans les circonstances actuelles, étant données les possibilités du système politique ou même du système en général, l’espace d’accord dans lequel confluent les mobilisations pour la défense du vote, pour le refus des privatisations de biens stratégiques, pour l’autre politique et l’autre Mexique, exige de mettre au centre la défense anonyme de ces objectifs prioritaires et de laisser les revendications plus ponctuelles pour des espaces plus spécifiques. Si effectivement aujourd’hui la défense de la nation passe par l’exigence du respect du vote, vues les conditions, elle ne peut ni s’en tenir ni se limiter à cela.

Un troisième acteur de la scène politique qui définira le futur du Mexique est le mouvement zapatiste, qui s’est ouvertement prononcé contre les réformes structurelles et la tournure que prennent les relations avec les Etats-Unis, contre la détérioration générale et le caractère insoutenable de la situation sociale et politique interne. Avant les élections, ce mouvement a critiqué Lopez Obrador, surtout son programme économique, qui n’est pas si éloigné de l’orthodoxie néolibérale.

L’intégration inégale avec les Etats-Unis, symbolisée par une frontière militarisée poreuse du nord au sud et lapidaire du sud au nord, les avancées de l’ALENA et de l’ASPAN, l’amplification du poids politique de l’Eglise et du secteur des entreprises, et la vocation répressive intolérante dont a, entre autres, fait preuve le président élu, place la société mexicaine dans une situation limite, clairement polarisée, comme le prouve le faible écart entre les candidats à la présidence.

Les possibilités que les zapatistes et les partisans de Lopez Obrador se rapprochent sont très réduites pour le moment, non seulement du fait des querelles prolongées et récurrentes qui les ont restreintes, mais surtout parce leurs différences sont substantielles. Cependant, face à l’arrivée d’un représentant des forces les plus conservatrices du pays à la présidence, des chemins parallèles, si ce n’est confluents, pourraient être envisagés. Au moins, dans ses dernières déclarations, Lopez Obrador s’est prononcé contre les privatisations et les réformes structurelles et il est certain qu’au fur et à mesure de la présidence de Calderon, il y aura de plus en plus de motifs de lutte partagés par de larges secteurs de la société mexicaine.

Trois foyers de tension

En mai 2006, alors que la campagne électorale était déjà bien entamée, les forces de sécurité se sont rendues responsables, au cours d’opérations officielles, de viols en masse, protégés par les pouvoirs institués, dans le cadre de la répression contre le peuple de San Salvador de Atenco, qui manifestait son refus, au début de la présidence de Fox, de la construction d’un aéroport international sur ses terres. Les personnes agressées à Atenco, essentiellement des femmes, ayant pour la plupart entre 17 et 25 ans, ont, en plus d’avoir été sauvagement violées, été emprisonnées et sont restées sans soins médicaux ou psychologiques pendant plusieurs jours. Au jour d’aujourd’hui, elles sont encore en prison et les principaux leaders du mouvement contre l’aéroport sont l’objet de poursuites.

Il s’agit d’un cas scandaleux de violation des droits humains mais, en plus, comme cela s’est produit dans la dernière ligne droite de la course présidentielle, cela peut aussi indiquer quels types de pratiques pourraient être bientôt instaurées, surtout si les présidents sortant et entrant proviennent d’un même parti, comme c’est le cas ici. On atteindrait alors un nouveau seuil de répression, correspondant à celui que les Etats-Unis veulent mettre en place dans le monde entier.

Le deuxième signal d’alerte provient d’Oaxaca, où une mobilisation d’instituteurs pour des revendications de type corporative, a été réprimée de façon intolérable par le gouverneur. Elle s’est alors transformée en un mouvement de toute la société oaxaqueña pour demander le départ du mandataire. Gouverneur du PRI, Ulises Ruiz a déjà réussi à établir un chantage pour éviter son départ en échange de l’alliance Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) - Parti d’Action Nationale (PAN) au Congrès pour garantir l’approbation expéditive des réformes structurelles.

Le mouvement regroupé dans l’Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca (APPO) comprend des instituteurs ayant une longue tradition de lutte, mais aussi des paysans, des organisations indigènes, etc. Oaxaca a été parmi les régions les plus combatives du pays : elle a réussi à obtenir la reconnaissance de ses us et coutumes par les gouvernements municipaux, entre autres choses. Le peuple d’Oaxaca est organisé et il ne s’agit pas d’un mouvement facile à intimider ou à vaincre. Leur revendication non négociable est le départ du gouverneur, ce qui est justement la pierre d’achoppement pour les alliances du nouveau gouvernement fédéral.

La solution au problème d’Oaxaca - la première affaire de grande importance qui devra être résolue par Calderon, bien qu’encore sous la présidence de Fox - sera un indice de la volonté du nouveau gouvernement, mais aussi de la faiblesse avec laquelle celui-ci arrive à la présidence. La Police Fédérale Préventive (PFP), la responsable des viols et de la répression à Atenco, est déjà en position dans la ville d’Oaxaca [et a déjà fortement réprimé le mouvement, ndlr]. La situation d’alerte et d’inquiétude est au maximum. Le manque de légitimité du nouveau gouvernement et les engagements déjà contractés avec différentes forces, pourraient l’amener à inaugurer son pouvoir par la répression des mouvements sociaux. C’est de mauvais augure pour les années à venir.

Le troisième foyer de tension, aussi extrêmement inquiétant, surtout au vu de l’incapacité à résoudre les précédents, est lié à l’intégration énergétique de l’Amérique du Nord. Comme nous l’avons montré, cette intégration est déjà en train d’être négociée, bien entendu dans le dos de la société mexicaine, dans des réunions secrètes de l’ASPAN auxquelles ont assisté des personnes comme Pedro Aspe (ministre des Finances dans le gouvernement de Salinas de Gortari), le coordinateur de l’équipe de transition de Felipe Calderon et au moins deux de ses conseillers les plus proches.

Conclusion

En 1810, a eu lieu la guerre de décolonisation du Mexique. En 1910, commence la révolution contre le latifundium et les privilèges patrimoniaux. A l’aube de 2010, cette nation a commencé de nouveau à déborder. L’on attribue à René Zavaleta l’hypothèse que le Mexique se soulève tous les cent ans, mais que lorsque cela arrive, c’est sous la forme de révolutions. Vivons-nous les prolégomènes d’une nouvelle révolution ?

NOTES :

[1] C’est de là que vient le nom donné par les zapatistes du Chiapas aux espaces crées explicitement pour la rencontre avec la société civile.

[2] Ces modifications répondent aux exigences posées par les Etats-Unis comme conditions à l’entrée dans l’ALENA et elles retirent les restrictions au latifundium tout en individualisant la propriété, y compris les terrains communaux [ejidos] et les terres communales.

[3] Juste le jour de la fête de la l’indépendance du Mexique.

[4] Accords passés entre le gouvernement mexicain et l’Armée zapatiste de libération nationale en février 1996, avec la coparticipation de larges secteurs de la société mexicaine. Ce sont les résultats de la première table ronde de dialogue qui sera suivie par cinq autres débats thématiques, avec, en première place, une discussion sur les droits et la culture indigènes. Une fois signés, ces accords ont été traduits juridiquement par une commission formée des deux parties et des représentants de tous les partis politiques pour devenir un texte constitutionnel. Au dernier moment, le gouvernement a fait marche arrière et les partis ont ensuite refusé de reconnaître leur engagement.

[5] [NDLR] Felipe Calderon a succédé officiellement à Vicente Fox ce vendredi 1er décembre.

[6] Commando nord de l’Armée des Etats-Unis, formé à la suite du 11 septembre 2001 pour préserver la sécurité interne de possibles attaques ou menaces de l’extérieur, qui peuvent être hébergées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur propre territoire ou homeland.

[7] Il convient de souligner ici les efforts réalisés par le président Chavez dans le cadre de l’ALBA, profitant de son grand potentiel pétrolier.

[8] L’exemple joué par le président Fox comme promoteur passionné de la ZLEA et les disputes, inhabituelles dans la tradition mexicaine de politique extérieure, avec les gouvernants de Cuba et du Venezuela suffit à illustrer cela.

[9] Le forum Mexique Forbes CEO vient d’avoir lieu dans la ville de Mexico, où un groupe sélectionné de chefs d’entreprises et de fonctionnaires mexicains liés au domaine énergétique, aéroportuaire et des télécommunications s’est réuni avec la Chambre américaine de commerce, des représentants des transnationales de cette branche et des membres du groupe Forbes, liés au Parti républicain des Etats-Unis, pour « concevoir le nouveau Mexique », puisque finalement « Felipe Calderon est officiellement le président élu du Mexique ». Dans la présentation initiale, il est précisé que pour le Mexique, « la solution est de lancer des réformes structurelles, spécifiquement dans le domaine du travail [pour faire face au défi de la concurrence avec la Chine et l’Inde], de la fiscalité et de l’énergie (González, R., Exclusiva encerrona de empresarios con Forbes para ‘diseñar el nuevo México’ en La Jornada, 22.09.06).

[10] Il est symptomatique qu’un des personnages les plus évoqués par Lopez Obrador dans la dernière ligne droite de sa campagne et après l’élection ait précisément été Benito Juarez.

En cas de reproduction de cet article, veuillez indiquer les informations ci-dessous :
RISAL - Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine
URL : http://risal.collectifs.net/

Source : revue de l’Observatorio Social de América Latina (OSAL www.clacso.org.ar/difusion/secciones/osal/), octobre 2006.


Voir en ligne : www.clacso.org