Il est coutumier, aux États-Unis, de voir les deux principaux postulants au pouvoir suprême exprimer, bien avant l’élection, les nouvelles options en vigueur à la tête de l’administration. En l’occurrence, sur fond d’échec de cinq ans de guerre en Irak, le candidat démocrate enregistre que l’Iran est désormais considéré, à Washington, comme la clé de voûte de l’offensive impériale des États-Unis dans cette vaste zone s’étendant du Proche et du Moyen-Orient à l’Asie centrale.
« L’Irak n’est pas le front central de la guerre contre le terrorisme », écrit ainsi Obama dans sa tribune. L’Afghanistan, dont les troupes d’occupation ne parviennent pas à assurer la stabilité, devient la pièce maîtresse d’une entreprise d’encerclement du régime des mollahs. Depuis des mois, le Pentagone et le nouveau chef des forces militaires dans la région, le général Petraeus, plaident pour le triplement des effectifs occidentaux sur le terrain (ce qui représenterait un total de 150 000 soldats). D’où, tout à la fois, le changement de discours d’Obama sur l’Iran et son engagement simultané de déplacer, d’ici 2010, 10 000 GI d’Irak vers l’Afghanistan.
Naturellement, la réussite d’une telle stratégie passe par l’engagement accru des alliés de la Maison Blanche au sein de l’Otan. Lors de ses rencontres avec Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy, le vainqueur des primaires démocrates s’est montré particulièrement incitatif : « Pour notre sécurité commune, le peuple afghan a besoin de nos troupes, et de vos troupes. » Message reçu cinq sur cinq, à Berlin comme à Paris…
C’est toutefois en lisant la prose d’une des figures les plus en vue et les plus radicales de la droite néoconservatrice d’outre-Atlantique, en l’occurrence William Bolton, le 15 juillet, dans les colonnes du Wall Street Journal, que l’on perçoit le mieux la folle cohérence possible de la nouvelle feuille de route de l’Empire. Prenant acte de « cinq années de diplomatie qui ont conduit à l’échec », il suggère de donner à Israël le feu vert afin qu’il « utilise la force pour casser le contrôle par l’Iran du cycle du combustible nucléaire ». Et d’en tirer l’implacable conclusion : « Si elle est couronnée de succès, une telle entreprise, hautement risquée et peu attractive, de bombardements aériens ou de sabotage ne résoudra pas la crise nucléaire iranienne. Mais elle aura l’avantage de faire gagner beaucoup de temps. […] Avec ce temps, nous pourrons effectuer un changement de régime à Téhéran ou, au moins, le mettre en route. […] Nous devrions considérer de manière sérieuse quelle coopération les États-Unis accorderont à Israël avant, pendant et après une attaque contre l’Iran. »
On le voit, le consensus est en voie de reconstitution, au sein des élites américaines, autour des options les plus aventuristes qui se puissent imaginer. Il va de pair avec l’intense préparation logistique que le prétendant démocrate, fort d’une image faussement pacifiste, est venu vendre aux Européens.
PICQUET Christian
* Paru dans Rouge n° 2263, 31/07/2008.