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Après les élections israéliennes

Lundi 3 avril 2006, par Michel WARSHAVSKY

Après la moins passionnée des campagnes électorales qu’Israël ait connues au cours des trois dernières décades, les Israéliens viennent d’élire le Parlement le moins polarisé que l’on puisse imaginer. Le fort taux d’abstention (plus d’un tiers de l’électorat) confirme à quel point le public israélien n’a pas considéré ce scrutin comme déterminant. Cela tranche avec les élections précédentes, caractérisées par une atmosphère de guerre civile et polarisées autour des questions liées à l’avenir des territoires occupés et les problèmes de sécurité, réels ou imaginaires.

Par Michel Warshavsky

Une opinion désabusée

Un facteur important est la corruption de la classe politique (une vingtaine de députés ont été, sont ou seront jugés au cours des quatre dernières années pour corruption ou trafic d’influence). On note aussi l’absence totale de principes (les trahisons systématiques de Shimon Pères n’en sont que l’exemple caricatural). Devant cela, une partie importante du public israélien a perdu sa confiance dans les partis existants, d’où le fort taux d’abstention ou le vote massif pour des partis nouveaux, sans programmes clairs et dont les candidats ne sont connus de personne. Le parti Shinouy qui a eu 14 élus aux élections précédentes, et cette fois le Parti des Retraites qui rafle 7 mandats sont des formations politiques dont personne ne sait qui ils sont et ce qu’ils veulent !

Défaite de la droite

Politiquement, le vote est marqué par la défaite incontestable de la droite qui passe de 52 députés à 32. Il faut aussi prendre acte, au sein de la droite, de l’écroulement du Likoud de Benjamin Netanyahu (de 40 députés à 12) qui profite aux partis les plus extrémistes qui ensemble auront 20 représentants à la Knesset. La majorité de l’électorat du Likoud (c’est le cas aussi des centristes du Shinouy qui ont disparu du Parlement) a soutenu le parti Kadima, fondé par Ariel Sharon et dirigé par le Premier Ministre par intérim Ehoud Olmert. Avec 29 élus, Le Kadima est cependant déçu, car c’est beaucoup moins que ce qu’on lui prêtait avant que Sharon ne disparaisse de la scène politique. C’est cependant suffisant pour être le pivot de la prochaine coalition gouvernementale, en alliance avec les Travaillistes qui se maintiennent (20 élus). L’électorat israélien s’est clairement réaligné vers le centre (Kadima et Retraités) au détriment des politiques de droite représentées par Netanyahu. Derrière ce choix, s’exprime une forte volonté de calme et de normalité, les deux devant être obtenus par la séparation unilatérale avec les Palestiniens.

La campagne des Travaillistes

La déroute du Likoud, le renforcement du parti religieux et populaire Shass (12 élus) et le succès relatif du Parti Travailliste qui, un an plus tôt, semblait être condamné à disparaître de la scène politique, expriment aussi le rejet des politiques néolibérales. Celles-ci sous une forme extrême avaient été mises en œuvre par Netanyahu, mais aussi par son successeur aux finances, Ehoud Olmert. La société israélienne exige ainsi plus de justice sociale dans une société où en moins de dix ans, le nombre des pauvres a triplé et représente près de 30% de la population. Le choix du nouveau dirigeant travailliste, le jeune et combatif syndicaliste Amir Peretz, a été de centrer toute la campagne électorale sur le désastre social. Ce choix a été doublement payant : il a non seulement évité, malgré – ou peut-être à cause de – la défection de Shimon Pères et d’autres transfuges de la vieille garde travailliste, la déroute que tout le monde lui prédisait. Mais, ce qui est encore plus important, il a obligé tous les partis, sauf le Likoud, à se positionner contre les « excès » de la politique de Netanyahu.

Confrontations à venir

L’objectif de la nouvelle coalition gouvernementale, qui se formera autour de l’axe Kadima-Travaillistes-Shass, sera double. En premier lieu, poursuivre la politique de séparation en continuant à opérer des redéploiements unilatéraux en Cisjordanie. En deuxième lieu, mettre en œuvre une politique économique moins dévastatrice du point de vue social que celles de deux gouvernements précédents. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est sur le dossier économique et non sur d’éventuelles évacuations de colonies isolées que le gouvernement risque de connaître sa première crise importante. En effet, Kadima est le parti de la grande bourgeoisie, des commis de la Banque Mondiale et des théoriciens de l’ultra-libéralisme. On les voit mal accepter de mettre en œuvre les réformes – aussi modérées soient elles – exigées par leurs alliés du Parti Travailliste et du Shass. La lutte de classe va s’imposer dans le prochain gouvernement Olmert.