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En marge du Sommet de la FAO

Aides alimentaires : petit sparadrap sur jambe de bois

Interview de Orlando Regueiye Gual, vice-ministre cubain pour la coopération, l’investissement étranger et la coopération économique internationale.

Jeudi 5 juin 2008

Solidarité, partage, multidisciplinarité. Ce sont les concepts auxquels fait le plus souvent référence Orlando Regueiye Gual, vice-ministre cubain pour la coopération, l’investissement étranger et la coopération économique internationale ; il est à Rome pour le sommet de la FAO, en tant que responsable des organismes économiques internationaux, dans la délégation cubaine.

Vous représentez Cuba dans les relations avec les organismes économiques internationaux comme la FAO, le Fond Monétaire International pour le développement agricole et le Pma, le Programme mondial pour l’alimentation. Quelle efficience ces instances ont-elles dans la crise de la nourriture ?

Il y a des pays comme Haïti où beaucoup de gens qui n’ont même pas un repas assuré chaque jour sont obligés de manger de la terre pour se procurer les sels minéraux qu’elle contient. La faillite mondiale des politiques néo-libérales a produit une déformation structurelle de l’économie qui exige des réformes radicales, fondées sur le développement durable. Envoyer de la nourriture équivaut à poser des sparadraps sur une blessure infectée qui a besoin d’une solution chirurgicale radicale. Le PAM, le Programme Alimentaire Mondial, est au contraire devenu l’ambulance du système des Nations Unies. Un tremblement de terre, un cataclysme, une famine surviennent ? Le PAM arrive, et les caméras zooment sur les gens qui se battent pour s’emparer des sacs de riz. Et demain ? Et hier, qu’a-t-on fait pour prévenir ça ? Les catastrophes naturelles ne sont pas la faute exclusive de la nature. J’entends dire depuis des années que les nations développées doivent consacrer à celles sous-développées 0,7 % de leur PIB. Mais cette aide, quand elle existe, concerne un fond d’aide au développement lié à la dette extérieure et aux conditions d’achat imposées aux gouvernements locaux ; et c’est souvent une moyen indirect pour faire revenir les gains au pays donateur : on envoie une cohorte d’experts qui doit être assurée par des compagnies qui chapeautent la mère patrie, protégés par des armées privées de la même provenance, et ainsi de suite. Quand j’entends un pays européen dire qu’il programme 15 millions d’euros au développement, je réponds en lui demandant de calculer, s’il veut, le coût de 50.000 cubains qui travaillent gratuitement à l’étranger dans 70 pays, ou bien celui des 30.000 étudiants, provenant de 121 pays, qui étudient à Cuba aux frais de l’Etat. Nous pensons que c’est l’être humain qui est fondamental, c’est cela notre aide. Je ne fais pas partie, cependant, de ceux qui considèrent que les rencontres comme celle-ci (FAO) sont dépourvues d’intérêt. Elles servent, si ce n’est à prendre des décisions (combien de pays importants ont-ils envoyé des représentants de poids ?), du moins à faire connaître le problème.

Dans la réunion récente de Caracas, les pays de l’Amérique latine sont-ils arrivés à une position commune ?

Il y a eu plusieurs rencontres pour discuter de la crise alimentaire : d’abord la conférence de Brasilia, puis l’initiative d’un groupe de pays qui ont convoqué une réunion à Managua, sous l’impulsion du président nicaraguayen Daniel Ortega, un sommet des pays de l’ALBA, Alternative bolivarienne des Amériques, et puis la Cumbre de Caracas, du système économique latino-américain, le 30. Indépendamment des occasions spécifiques, il existe de toutes façons une reconnaissance de l’urgence commune. A la réunion de Managua, seuls certains pays, comme le Salvador, ou le Costa Rica, ont présenté des réserves à certains paragraphes d’un texte commun qui mettaient en évidence le lien entre les politiques néo-libérales et la nature de la crise alimentaire.

Une des questions en jeu concerne l’utilisation des agro combustibles et des OGM. Quelle est la position de Cuba ?

Il y a deux versants au problème : l’un est celui des aliments, comme le maïs, utilisés pour remplir les réservoirs d’essence et pas le ventre des gens. Comme au Mexique, où il faut importer du blé en excédent des Etats-Unis parce que ce qu’on produit sert aux agro-combustibles. Et puis il y a le biocombustible qu’on tire de la canne à sucre, où on a dans le processus de production de nombreux dérivés comme les alcools qui peuvent servir pour le rhum ou pour un usage médical, ou bien pour les carburants. Aujourd’hui, le prix du sucre, à la différence des autres aliments, est resté le même, donc on court le risque que de grandes quantités de terres soient utilisées à la production de canne à sucre, pas tellement pour le sucre mais pour l’éthanol, et que ces utilisations endommagent des terres auparavant consacrées à la production d’autres types d’aliments. Il faut au contraire avoir une politique rationnelle, sans inutiles guerres de religion.

Que se passe-t-il par contre aujourd’hui dans l’industrie des agro-combustibles ? On développe aussi des technologies nouvelles pour produire des biocarburants à partir de déchets végétaux de cellulose de nombreuses plantes. Il faut faire attention, parce que ceux qui travaillent sur ce sujet sont les grandes multinationales qui peuvent payer beaucoup d’argent pour la recherche et en avoir ensuite l’exclusivité sur le marché. Et de cette façon, après avoir détruit la production de maïs, ils produiront de la cellulose avec leurs technologies à usage exclusif. C’est pour cela qu’il faut imposer un droit au partage des brevets et des licences, chercher une solution intégrale.

Les OGM, le transgénique, c’est un autre sujet. Cuba n’a pas adopté les OGM, mais nous sommes en train de faire notre propre recherche à ce sujet.

Edition de mardi 3 juin 2008 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio